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GATABASE
Je regarde les gens,

Si je leur parle pas,
c’est parce que je me concentre sur le silence
qui est le mien à leurs côtés
et parce que je me persuade
qu’il devient notre silence.

Je rêve des gens,
je leur parle par ces rêves,
ou par les trous de mon sommeil,
Je leur parle en apnée.
Je forme autour d’eux cette alvéole,
cette peau qui s’étire,
comme une membrane qui colle
et se déchire,
j’essaye de la réparer.

Je suis devant les gens,

j’ai envie de m’approcher d’eux,
j’ai envie qu’ils aient envie de s’approcher de moi,
j’ai besoin de savoir, dans leurs yeux, ce qu’il y a,
Je veux tout des gens.

Je veux les voir, et penser qu’ils sont drôles,
étranges, ou monstrueux,
J’ai envie d’assister avec eux
à la dilatation du temps, et du tissu social,

J’ai envie de les voir entre eux, et près d’eux, fusionner,
étranges escargots toujours contorsionnés,

J’ai envie de savoir ce que vont faire leur cerveaux ensemble,
dans ce continuum espace-temps,
envie de comprendre leurs mouvements
de regarder leurs visages
d’écouter leurs langages
qui ne veulent rien dire
et qui ne disent rien.

Je rencontre les gens,

Ils ont l’air doux et dociles, anesthésiés sur le lit
Mais ils ne sont pas gentils
Et certains sont des trous noirs
Ce n’est pas parce qu’ils s’enlacent qu’ils s’aiment
certains mangent mon cœur, et j’ai de la peine
et en même temps je ressens
cette immense gratitude
comme si la joie et la douleur
étaient tangentes
et que j’avais trouvé comment changer
la trajectoire des lignes parallèles

Ce qui a mal dans mon cœur
trouve une voie vers l’avant
demande à être réparé
demande sa nourriture
la chasse solitaire du cœur
qui est toujours féroce, qui est ensauvagé
et se jette sur les personnes qu’il veut, transporté
il ne faut pas la comprendre
mais l’accepter

Parce que
Les gens sont fous

La cruauté phagocytaire
qui passe dans leurs yeux
quand ils se regardent faire,
bouger dans l’existence
jusqu’à finir tordus
me fait penser
que leur malheur est le mien
que tout ce qui les blesse
et entre avec violence
dans l’espace de leur vie
est aussi ma douleur

Entre le tomber d’un jour
et le lever d’un autre
la nécessité du matin
et la nécessité du silence
entre les peaux qui se rencontrent
à différentes vitesses
à vitesse lente une main caresse une joue,
à vitesse rapide elle brise un maxillaire
supérieur

Tous les drames sont dans la vitesse
d’exécution ou de refroidissement

Souvent dans le quotidien de ceux qui comme moi
subissent leurs orgasmes
subissent leur fantasmes
De ceux qui comme d’autres
ne savent pas s’ils errent ou s’ils vivent,
s’ils violent ou s’ils aiment
il existe une forme de pureté
une forme émouvante de barbarie
qui me fait penser que nous sommes tous
des brebis
qui craignent d’être des loups
le deviennent
et puis inversement

Le groupe est un individu,

Une masse d’or sale et précieux
qui change sans cesse d’état.

L’individu a ici perdu sa substance,
ici perdu son image,
et ici perdu tout son temps,

Comme si dans cette salle, dans ce creux,
dans cette zone incartable et étrangère aux lieux,
il n’était plus possible d’expliquer la notion de jours, de dates, ou de deadlines
et qu’il ne restait pour mesurer les heures, les minutes, ou les secondes
que les moments passés à regarder dans le vide
ou dans les yeux des gens
ce qui revient au même.

Les autres gens sont d’autres mois
qui se mesurent
et se torturent
et se transforment
sans cesse

Il n’y a pas si longtemps
j’ai senti que quelque chose en moi
s’était déplacé
à grande vitesse
comme si un de mes organes avait bougé
ou que je m’étais cassé un os invisible

Parfois tout est en y,
cassé comme un bras
Parfois je ne dors pas
et j’ai chaud d’une chaleur que le froid survole.

Je comprends les gens,

Les gens qui, seuls,
avancent dans le sens contraire des foules
refusent de sortir du lit
maudissent leurs vie
puis la dispersent
dans les mauvaises idées
ou les accidents

Je comprends ceux
qui perdent leur temps à croire
que rien n’a de sens
que l’univers qui s’agite
et bouge sans permission
leur doit quelque chose
ceux qui à forcent d’allumer des incendies
dans leurs cerveaux
pour des espoirs et des causes
sans savoir les éteindre
et qui maintenant
en mangent les cendres
tous les jours

J’étais là, je sais

Je mange avec eux