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GATABASE
la nuit me connaît.
nous nous entendons bien.

ensemble nous avons fait un marché : je traîne dans les hangars, brûle sous les stroboscopes, me dissout jusqu'aux petites heures, et en échange, elle passe.
mais elle passe bien, fort.

elle passe comme l'ange convaincu qui quitte le ciel, séduit par le démon.

tous les club kids ont déjà touché mon épaule pour me proposer un after. tous ont déjà dansé avec moi sans plus s'en souvenir. ma joie effervescente a disparu dans leurs verres ou sur les sols de leurs maisons. et maintenant il pleut à verse, sur ma vie, sur les autres. sur l'entièreté nue du monde, laissé comme un cadavre sur le dancefloor.

il y a longtemps que tout est flou. les sens ne servent plus, ils tournent à vide dans l’appartement plein. où que l'on porte son regard il n'y a que des mômes. des enfants distraits qui se sont perdus, puis retrouvés dans les brumes du soir. des silhouettes idiotes qui s'agitent au balcon. bientôt elles vont tomber et peut-être dormir. peut-être mourir, on ne sait pas. elles fuient la lumière du matin suivant qui veut rester hier. mais maintenant, il faut être aujourd’hui.

de toutes manières ce n'est pas grave. personne ne les entend hurler. ils nagent aveugles dans des eaux peu profondes où ils perdent pied. perdent face et figure. je vois l'insolence de cette forme humaine qui se jette sur une autre ; tout le monde est un prédateur. parfois je leur fait un sourire de proie. ils me font des sourires de squale. il faut rester vigilant.

car toutes ces nuits qui me connaissent, je les connaît aussi. au début elles étaient d'excellents subterfuges à toutes les formes que prennent la solitude. maintenant elles sont des mensonges sans ni fin ni remède, comme d'anciens amis dont les habitudes agacent, et qu'on regarde avec dégoût, mais qu'on ne peut quitter.

on ne peut se dérober au monde. on ne peut que se dérober à l’after. c’est à côté de la maison, tu connais le chemin. tu connais le chemin, plus de poussière que d’espoir. à perte de vue, par-dessus l’envie de mourir, l’envie de dormir. sur tout ce qui peut accepter un corps abandonné par la nuit je me couche. je recherche le silence, et j’attends le charon de ma pirogue. quand il arrivera je n’aurais pas d’obole, comme je n’avais pas de prévente, et je m’endormirai.

les nuits ne vont jamais muer. les nuits restent comme ça, comme les invertébrés qui ne changent pas de peau mais d'endroit. toujours est-il que je préfère la nuit à l'ennui, c'est plus distrayant. et il y fait moins froid.

si je demande l’heure on me répond : est-ce vraiment nécessaire ? tout ce qui est nécessaire à cette heure est loin. l’heure je ne sais pas, la violence je sais. les visages je devine. pas besoin de me faire une leçon, les ténèbres je les ai appris. maintenant je sais à l'avance ce que la nuit a pour moi, j'en ai vu la couleur. je sais à l'avance ce qu'elle croit me donner, la nuit je l'ai en double. la nuit c'est une forêt noire, une jungle, des enfants trahis. la nuit c'est une parodie.

ca y est, je ne sais plus l'heure. je ne sais plus quels doigts attrapent mes cheveux. je danse. je ne dit rien mais je devine. je devine que parfois même la lumière ne veut plus de mon ombre. c’est comme ça.

quand je dors je ne rêve pas, et c'est de votre faute, à vous qui écoutez le pouls des basses et cultivez distraitement l’excès, vous ma jeunesse en branle. une génération vapeur qui disparaît dans une vague, dans des cris, des sourires malheureux et des corps en érosion. la mort se tapit derrière chaque émotion.

niez l’espoir et la gentillesse à ces enfants qui ne savent pas quoi faire d’eux-mêmes. et vous êtes assurés qu’ils le trouveront au fond d’un verre, au fond d’un club, d’un incendie.

à présent le ciel se rapproche du sol. quand la notion des distances se déforme, on tombe du dernier étage en croyant qu’il s’agit d'une estrade. ce n'est pas une chute comme les autres.

je ne me préoccupe pas trop de ma chute. mais je ne suis pas con. comme je sais qu’il ne durera pas, je m’appuie sur le bonheur. j'en fait des provisions. je ne pense plus à mal. parfois même je vais trop bien. alors je me remet au travail, à mon propre sabordage, à l’élaboration de mon fiasco. la fête n'attend pas.

je suis venu ici faire la fête sans autre forme de procès. faire la fête comme tout le monde. pousser mon cri, chercher le soleil. comprendre ce dont ils parlent quand ils disent, « allons à la fête ! » puisque c'est pure perte allons à la fête. je suis allé à la fête pour voir c’est qui le monstre. maintenant je suis inconsolable.